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Paris, sa plage, ses palmiers et son réseau Wi-Fi itinérant !
jeudi 7 août 2003
Le Wi-Fi, tout le monde en parle mais qu’en est-il en pratique ? C’est ce que nous avons tenté de savoir en essayant le réseau internet sans fil de la RATP. Une expérience étonnante en matière d’internet mobile. Reportage.
Début du parcours porte d’Orléans, au sud de Paris. C’est un ordinateur portable flambant neuf qui nous servira de sésame pour naviguer dans les méandres du réseau radio Wi-Fi, que la RATP teste en ce moment dans la capitale. La première étape consiste à être certain de se trouver dans le périmètre d’un hot spot, l’un des "points d’émission" du réseau, et donc de repérer une antenne Wi-Fi. Malgré l’absence de signalétique, elle demeure assez facile à détecter : une pointe métallique de 50 centimètres placée sur le haut d’une porte de métro.
La régie des transports parisiens, via sa filiale Naxos, a installé son réseau le long de la ligne de bus 38. À la norme 802.11b, il offre l’avantage de traverser la capitale du nord au sud, avec onze relais répartis entre la porte d’Orléans et la gare du Nord.
Actuellement en cours d’expérimentation, avant le lancement des offres commerciales prévues pour le mois de septembre, ce réseau présente la particularité d’être à la fois sans fil (comme tout réseau radio) et promet à terme une réelle mobilité, en conservant une connexion continue d’une antenne à l’autre. Ce procédé d’itinérance, ou roaming, bien connu dans la téléphonie mobile, n’est pas encore une réalité sur la ligne 38. « Cela est bien notre objectif, même s’il n’est pas question de rester connecté tout le long de la ligne », précise Bertrand Lenoir, le directeur commercial de Naxos.
Seulement deux minutes pour se connecter
Premier réflexe : placer sur "On" le petit interrupteur placé en façade qui ouvre les communications radios, avant de lancer le PC. Une fois chargé, Windows cherche alors automatiquement les réseaux auxquels l’ordinateur peut se connecter. Une fois ces derniers trouvés, une icone "connexion sans fil" apparaît dans la barre d’outils. S’ouvre alors la fenêtre "configuration réseaux sans fil", affichant la liste des réseaux disponibles. Miracle, le réseau de Naxos y figure, avec deux autres. Nous sélectionnons Naxos. "Pour se connecter à un réseau, cliquez sur configurer", avertit un message ; une nouvelle fenêtre propose alors des options comme le chiffrement des données (protocole WEP).
Mais, ce dernier ne doit pas être activé, sous peine de rendre toute connexion impossible. Car Naxos a pour l’instant désactivé cette option de sécurité qui devrait être disponible, dès le mois de septembre, pour le lancement des offres commerciales, assurent les responsables de la RATP. Il vaut mieux en effet qu’un minimum de sécurité dans la transmission soit assurée, si la régie veut séduire les cadres s’affairant à avancer leur travail en attendant le bus !
Nous ne cochons donc aucune case et validons la procédure en cliquant sur "OK". Après quelques secondes d’inquiétude, une info-bulle s’affiche sur l’icone de la connexion et indique, (ô soulagement !), que le PC est connecté au réseau Naxos. Débit affiché : 11 mégabits par seconde (Mbps). L’ensemble de l’opération n’aura donc pris que deux minutes.
Jusqu’à 150 ko par seconde de débit pour télécharger
En lançant le navigateur internet, la page d’accueil de Naxos s’affiche automatiquement et réclame l’identifiant et le mot de passe, obtenus la veille sur le site internet de la filiale de la RATP. Après authentification, il devient possible de se connecter comme sur n’importe quel réseau filaire. Un démarrage plutôt encourageant.
Pour vérifier la connexion, nous avons téléchargé un utilitaire de 10 Mo avec une vitesse de transfert de 70 ko par seconde ; puis la dernière version d’un logiciel quelconque à plus de 150 ko par seconde. Afin de tester la diffusion directe (streaming) nous tentons de visionner la bande-annonce d’un film. En plein écran, la vidéo défile sans aucune saccade ni délai d’attente. Encore mieux que via l’ADSL. Le débit est au rendez-vous. Normal, cependant, vue que le WEP, gourmand en ressources réseau, n’est pas activé. De plus, la bande passante n’est partagée, pour l’instant, qu’entre quelques utilisateurs privilégiés. Naxos a enregistré environ 370 connexions hebdomadaires, soit environ une cinquantaine par jour sur tout le réseau. Les vrais embouteillages commenceront vraisemblablement à la rentrée...
Déconnexion au coin de la rue
Reste à vérifier la mobilité du système. Bien entendu, plus on s’éloigne de la borne d’émission, plus le débit baisse. La bande passante décroît même plutôt rapidement. Un parcours d’à peine 50 mètres suffit à couper la connexion. « En terrain totalement dégagé, le débit passe de 11 Mbps à 5,5 Mbps en s’éloignant de 50 mètres de distance de l’antenne Wi-Fi, puis elle passe à 2 Mbps à plus de 100 mètres. Mais en milieu urbain, la connexion peut effectivement couper sur de plus courtes distances », confie Bertrand Lenoir, directeur commercial de Naxos.
Des affirmations que nous avons par la suite pu vérifier, avec des portées de l’ordre de 150 mètres sur les grandes artères et en espace dégagé tels que le jardin du Luxembourg ou la place Saint Michel. Mais, à chaque fois, la connexion est coupée dès que l’on s’enfonce dans des rues avoisinantes sur quelques dizaines de mètres.
Vu la facilité à se déconnecter, reste à vérifier comment la connexion reprend une fois perdue. Bonne surprise, le PC se reconnecte au réseau automatiquement, simplement en se rapprochant de la borne. Il n’y a rien à reconfigurer et aucune nouvelle authentification n’est nécessaire.
Le responsable de Naxos nous expliquera par la suite que l’autorisation est active durant une heure. Ce délai passé, il faut à nouveau entrer son identifiant et son mot de passe. « Mais pendant ce laps de temps, l’utilisateur peut se déconnecter et se connecter à loisir », précise le responsable.
Le grand bazar des canaux Wi-Fi
Sur les onze hot spots du parcours, la connexion s’effectue la plupart du temps avec la même facilité. Cependant, il a a fallu une ou deux fois redémarrer l’ordinateur afin qu’il détecte les nouveaux réseaux, la fonction "actualiser" de la fenêtre "connexion à un réseau sans fil" ne suffisant visiblement pas. Mais le plus gros point noir intervient à la station Denfert-Rochereau, lieu de rendez-vous avec les responsables de la RATP.
Alors que les portables des responsables de la régie parviennent à se connecter, le nôtre refuse obstinément de détecter le réseau Naxos, même placé juste devant l’antenne. Même chose avec un assistant personnel d’un des responsables, de marque Toshiba comme notre portable. « Cela doit venir du canal Wi-Fi sur lequel émet la borne qui n’est pas reconnue par votre machine... », subodore un technicien. Il appelle le central pour que l’antenne émette sur un autre canal.
Ce petit couac s’explique facilement. La norme radio Wi-Fi compte quatorze canaux au total, autorisant ainsi la cohabitation de plusieurs réseaux sans fil sur un même lieu sans parasitage. Mais selon les pays, l’utilisation de l’ensemble des canaux n’est pas toujours autorisée par le législateur. Du coup, les constructeurs fournissent du matériel bridé sur certains canaux.
Dans le cas de Toshiba, seuls les canaux de 1 à 11 sont supportés et l’antenne de Denfert-Rochereau émettait sur le canal 12. « Nous avons choisi, pour chaque hot spot, le canal qui offraient la meilleur qualité de signal parmi ceux encore disponibles, c’est-à -dire non utilisés par d’autres réseaux », explique Bertrand Lenoir. « Nous avons prévu cependant de mettre deux antennes par hot spot pour limiter ce problème ». Et d’en appeler les constructeurs à fournir « du matériel supportant tous les canaux ». Interrogés par ZDNet, Apple, Dell ou Toshiba ont en effet prévu de s’attaquer au problème (voir page suivante).
Intéressant tant que c’est gratuit
Reste une dernière interrogation : le prix. Naxos n’a pas été en mesure de nous indiquer les tarifs qui seront pratiqués sur son réseau, car ils seront fixés par des partenaires opérateurs de services. Sachant que Orange va proposer des cartes prépayées qui offriront 2 ou 24 heures de communication aux prix respectifs de 15 et 30 euros TTC.
Si la technologie paraît opérationnelle, la facture risque d’être salée, du moins dans les premiers temps. Il sera toujours possible de faire du war driving, c’est-à -dire se connecter au hasard à des réseaux Wi-Fi dont l’accès n’a pas été verrouillé.
Durant notre parcours, il a en effet été possible de se connecter à différents réseaux sans aucune authentification. Une pratique bien entendu déconseillée, afin de ne pas parasiter les réseaux, et qui devrait disparaître lorsque les mesures de protection se seront généralisées.
L’expérience est plutôt satisfaisante, malgré les problèmes de canal d’émission et l’absence de WEP et de roaming. Il suffit de se remémorer les écueils rencontrés par le WAP pour apprécier ce que Wi-Fi peut apporter à l’internet mobile. Il est désormais possible de se connecter au net et de faire bien plus que de la navigation et de la consultation d’e-mails, sans avoir à chercher une prise pour brancher son ordinateur portable.
Le réseau de la RATP : détails et perspectives commerciales
Le réseau mis en place par la RATP suit le parcours de la ligne de bus 38 à Paris. Onze stations disposent d’un hot spot. Il s’agit de Gare du Nord, Gare de l’Est, Strasbourg-Saint Denis, Réaumur, Chatelet, St Michel, Luxembourg, Port-Royal, Denfert Rochereau, Alesia, Porte d’Orléans. Un douzième point d’accès se trouve Gare de Lyon, au sein de la maison de la RATP.
Le déploiement représente un investissement de « quelques centaines de milliers d’euros », nous a confié Bertrand Lenoir, directeur commercial de Naxos. Un tiers a été financé par Naxos (installation et exploitation), un tiers par Cisco Systems France (équipements réseaux) et un tiers par Cap Gemini Ernst & Young (plate-forme de gestion logicielle). Les offres commerciales qui seront lancées au mois de septembre concerneront autant le grand public et que les professionnels.
Dans un second temps, la RATP pourrait utiliser ce réseau sans fil à des fins de géolocalisation ou de vidéosurveillance des bus, nous a indiqué le responsable de Naxos. Six opérateurs de services devraient exploiter ce réseau : Tele2, Bouygues Telecom, Wifispot, Wifix, T-Online et TLC Mobile.
Pour ce test nous avons utilisé un PC portable Toshiba Satellite ProM10 intégrant la technologie Centrino d’Intel et fonctionnant avec le système d’exploitation Windows XP.
Les problèmes des canaux Wi-Fi
La norme de communication radio 802.11, base de la technologie Wi-Fi, prévoit que sa bande de fréquence (2,4 GHz) soit divisée en 14 canaux. Cela permet à plusieurs réseaux de cohabiter sans parasitage sur un même hot spot. Mais dans chaque pays, les régulateurs locaux des télécommunications ont limité l’utilisation à certains canaux, ces derniers étant utilisés par l’armée.
La Japon ne peut ainsi emprunter que la canal 14 qui est par ailleurs interdit dans les reste du monde. Aux États-Unis, les canaux 12 et 13 sont interdits. En France, l’utilisation des 13 premiers canaux n’est autorisée que depuis le 25 juillet.
Pour ces raisons, les principaux constructeurs ont bridé leur matériel. Toshiba a ainsi verrouillé les canaux 12,13 et 14 pour vendre le même matériel aux États-Unis et en France. Il propose cependant, d’après un porte-parole, de fournir des cartes fonctionnant avec tous les canaux, au cas par cas.
Même chose chez Apple qui a verrouillé tous les canaux de 1 à 9 qui n’étaient pas autorisés sur tout le territoire avant le 25 juillet. Il nous a cependant assuré que cela allait changer. Enfin, Dell nous a indiqué que ses portables ne supportaient à présent que les canaux 10 et 11.
Christophe Guillemin
Voir en ligne : Article de VNUNet - 06/08/2003