Accueil > Actu > Palmarès des écoles d’ingénieurs 2003 : la percée des (...)
Palmarès des écoles d’ingénieurs 2003 : la percée des spécialistes
lundi 28 avril 2003
L’Ensimag de Grenoble, l’Université de technologie de Compiègne et l’Epita succèdent, en 2003, à Télécom Paris, Polytechnique et Centrale au palmarès des écoles d’ingénieurs de 01 Informatique.
Surprise. Pour sa deuxième édition, le palmarès 01 Informatique des écoles d’ingénieurs informaticiens voit les « petites » écoles et les régions se tailler la part du lion. Détrônant, au passage, les institutions prestigieuses, plus habituées à occuper les premières places de tous les palmarès, comme ce fut le cas pour celui de 01 l’an passé.
Pour expliquer cette petite révolution, il faut certainement incriminer une redéfinition des besoins en informaticiens, induite par la crise que subit l’économie française depuis trois ans. Très précisément, depuis ces jours sombres de mars 2000 où la fameuse bulle internet a volé en éclats.
A en juger par notre enquête, les besoins des entreprises en ingénieurs informaticiens ne passent plus nécessairement par la grande école parisienne traditionnelle, censée former l’élite et flattant du même coup l’orgueil des dirigeants, parfois issus du même moule. Aujourd’hui, la priorité est à l’efficacité. La préoccupation égotiste de l’image est reléguée à l’arrière-plan. Le CV mirobolant, où l’on passait sa vie à « sortir » de l’école, ne suffit plus.
Savoir communiquer est devenu un critère déterminant
Les besoins exprimés par les recruteurs s’articulent autour de trois grands axes. Première exigence : la nécessité de trouver des managers capables de s’épanouir non seulement dans les missions internes qui leur seront confiées, mais aussi en développant de vraies qualités relationnelles avec le reste de l’entreprise. Et, le cas échéant, avec les clients.
« Il faut savoir que dans les sociétés fortement utilisatrices d’informatique, on évalue autant la capacité des informaticiens à bien communiquer que leur strict niveau de compétence technique » , assure Bernard Riquier, PDG d’Init, société de conseil en organisation et ressources humaines. « C’est d’autant plus important que, à tort ou à raison, beaucoup de gens ont encore une image très introvertie de l’informaticien. » Les clichés ont la vie dure.
Même son de cloche chez Agnès Bekourian, directrice emploi et formation dans le groupe de distribution Metro. « Le recruteur doit immédiatement être en mesure de visualiser les compétences du candidat, son parcours, ses échecs... La validation de ses compétences techniques vient souvent après, lors du deuxième entretien, mené avec un responsable plus spécialisé dans ce domaine. »
En outre, les directeurs des ressources humaines sont de plus en plus nombreux à prononcer le terme « ingénieur d’affaires » pour caractériser l’oiseau rare. Celui qui rallie tous les suffrages : une tête bien faite, sachant appréhender les enjeux techniques, financiers et commerciaux de l’entreprise avec la même fluidité.
« Nous recherchons à la fois l’expertise et la polyvalence », renchérit Eric Nicolas, consultant RH chez Brime Technologies. « Et ce n’est pas toujours facile : la communication, c’est plus dur à appréhender que la technique. Or, savoir se présenter devant un client, c’est important aussi... » Du coup, les écoles distinguées cette année sont nettement celles qui assurent le lien entre l’informaticien « pur et dur » et l’ingénieur généraliste (lire, ci-dessous, la réaction des dirigeants des grandes écoles distinguées, et l’avis des recruteurs).
La sécurité est une spécialité de plus en plus recherchée
Parallèlement, des spécialités jusque-là peu valorisées sont de plus en plus recherchées. Ainsi Farida, qui sort d’une école d’ingénieurs, se voit-elle fort courtisée depuis que la maintenance des grands systèmes informatiques se heurte aux nombreux départs en préretraite enregistrés ces dernières années. Du coup, ce sont des jeunes gens fraîchement émoulus de leur école qui prennent le relais « pour assurer l’exploitation et l’entretien, comme le souligne Farida, d’une base installée très importante de mainframes » .
C’est particulièrement le cas pour les systèmes MVS, d’IBM, pour les GCOS de Bull, et, plus marginalement, pour les VAX de Digital. Phénomène paradoxal, mais riche d’enseignement : ce sont désormais des jeunes qui s’emploient à maintenir des parcs de gros ordinateurs hérités de la génération précédente. L’après-nouvelle économie s’apparente parfois à un retour en arrière...
Autre spécialité en hausse, mais, cette fois, s’inscrivant vraiment dans l’air du temps : tout ce qui tourne autour de la sécurité des réseaux et de l’administration de systèmes. « C’est un besoin général, qui s’applique indifféremment à tous les secteurs d’activité » , affirme Jérôme, un jeune diplômé soucieux de bien choisir son premier poste. « C’est particulièrement vrai pour le secteur bancaire », tempère Philippe Mussard, associé du cabinet de recrutement Aldrin & Brooks. « On observe, de la part des entreprises, une demande très forte. Mais, pour le moment, celle-ci reste insatisfaite. » L’exigence de sûreté matérielle et logicielle recèle, à elle seule, un gisement durable de compétences et d’emplois potentiels.
On aurait garde de passer sous silence les écoles qui « montent », et qui pourraient faire leur entrée dans le Top Ten dès l’année prochaine. Parmi elles, l’ECE (Ecole centrale d’électronique) paraît plutôt bien placée. Cet établissement, « qui n’a d’électronique que sa dénomination, comme le rappelle opportunément son directeur, Pascal Brouaye, est maintenant totalement tournée vers les systèmes d’information et les réseaux. Avec un accent particulier mis sur les applications temps réel et les dispositifs embarqués » .
Point intéressant, que ne manque pas de relever le directeur de l’école : « La moitié des étudiants de chaque promotion se dirige vers les PME de moins de cinq cents personnes. » Lentement mais sûrement, année après année, l’ECE conforte donc sa position avec opiniâtreté : c’est l’une des plus anciennes écoles d’ingénieurs de la place, puisqu’elle a été créée en... 1919 !
Autre école souvent citée spontanément par les directeurs des ressources humaines : l’Eisti (Ecole internationale des sciences du traitement de l’information). Son atout maître ? « La mise en place des outils appropriés pour réduire l’écart existant entre la formation des ingénieurs informaticiens et les vrais besoins des entreprises. » C’est, du moins, ce qu’affirme un gros recruteur de bataillons d’informaticiens.
De même, l’Ecole des mines d’Alès fait l’objet de citations spontanées, alors qu’elle ne figurait pas, à l’origine, dans la liste des éligibles. Enfin, un établissement rouennais, l’Esigelec (Ecole supérieure d’ingénieurs en génie électrique rebaptisée Ecole supérieure d’ingénieurs sur son site web), se voit particulièrement prisé par les chasseurs de têtes « pour sa capacité à former des cadres ayant une bonne culture générale de l’informatique », comme le souligne l’un d’entre eux.
Qui s’imposera l’année prochaine ? Au vu des bouleversements survenus depuis un an dans notre classement, il est loisible et prudent de refuser le petit jeu risqué des pronostics. Une seule certitude domine : à partir de maintenant, la demande dicte sa loi à l’offre.
Méthodologie
Le classement des écoles d’ingénieurs informaticiens a été obtenu après interrogation de 1 040 responsables de recrutement et de ressources humaines d’entreprises françaises utilisatrices d’informatique identifiés sur le fichier du salon de recrutement Prosearch. Les responsables de ressources humaines devaient choisir cinq écoles et les noter de 1 à 10. Le classement a été établi sur la base de 65 réponses, enrichies ensuite par une série d’entretiens individuels, menés directement dans le cadre du salon Prosearch.

Pierre-Antoine Merlin
Voir en ligne : Article de 01Net - 28/04/2003